La respiration est une fonction vitale, gouvernée en grande partie par notre système nerveux autonome. Elle se fait sans que nous ayons besoin d’y penser : notre corps inspire et expire jour et nuit, que nous soyons éveillés, concentrés ou profondément endormis.
Cependant, la respiration a une particularité unique : bien qu’automatique, elle peut aussi être volontairement modulée. Cette capacité en fait un outil puissant, car la relation entre la respiration et le système nerveux autonome est bidirectionnelle. Non seulement le système nerveux autonome régule notre respiration selon nos besoins (par exemple, plus rapide à l’effort, plus lente au repos), mais la façon dont nous respirons influence en retour son activité. Ainsi, en jouant sur notre rythme respiratoire, nous pouvons stimuler des réponses de détente, d’apaisement, ou au contraire favoriser l’éveil et l’énergie.
- Qu’est-ce qu’une « bonne respiration »?
- La respiration comme outil de conscience de soi
- La respiration : un outil pour moduler notre état
- Contre-indications et précautions
Qu’est-ce qu’une « bonne respiration »?
Respirer, c’est bien plus qu’un simple échange d’air, c’est aussi nourrir chaque cellule de notre corps et participer à l’équilibre de notre santé globale. Pourtant, beaucoup de gens respirent de façon superficielle, rapide, ou par la bouche, sans s’en rendre compte. À long terme, ces habitudes peuvent limiter leur apport optimal en oxygène, augmenter leur tension musculaire et même influencer négativement leur état de stress.
Le rôle central du diaphragme
Le diaphragme, ce grand muscle en forme de dôme, situé sous les poumons, est la pièce maîtresse de la respiration. Quand il se contracte, il descend, créant un appel d’air qui remplit les poumons. Lorsqu’il se relâche, l’air est expulsé. Autour de lui, les muscles intercostaux et le plancher pelvien complètent le travail, créant une expansion en trois dimensions : vers l’avant, vers les côtés et vers l’arrière du thorax. Une « bonne respiration » n’est donc pas seulement ventrale ou thoracique, c’est une ouverture globale qui assure un équilibre entre stabilité et détente.
Respirer par le nez : un filtre naturel
La respiration nasale est souvent sous-estimée. Pourtant, inspirer par le nez permet de filtrer l’air, de le réchauffer et de l’humidifier avant qu’il n’atteigne les poumons. Elle favorise aussi la libération d’oxyde nitrique, une molécule qui aide à dilater les vaisseaux sanguins, à améliorer la circulation et à optimiser l’oxygénation des tissus. Durant les activités quotidiennes, nous devrions le plus souvent possible respirer par le nez, car, sur le plan de la santé, la respiration nasale est associée à une meilleure qualité du sommeil, une plus grande résistance aux infections respiratoires et une meilleure performance physique.
Les principes d’une respiration optimale
Une « bonne respiration » peut se résumer en trois mots :
- Ouverte : le passage de l’air doit être fluide, sans sensation d’oppression ou d’effort.
- Continue : la respiration doit s’écouler naturellement, sans blocages ni pauses inutiles.
- Régulière : un rythme stable, ni trop rapide, ni trop lent, qui correspond au besoin réel du corps.
Les bénéfices sur la santé et l’état général
Adopter une respiration plus consciente et plus efficace entraîne de nombreux bénéfices :
- Diminution du stress et de l’anxiété : une respiration lente et profonde stimule le nerf vague et active le système parasympathique, ce qui réduit la fréquence cardiaque et abaisse la tension artérielle, induisant une sensation de calme.
- Meilleure concentration et clarté mentale : en optimisant l’oxygénation du cerveau, la respiration diaphragmatique favorise une meilleure vigilance, tout en évitant les fluctuations de CO₂ qui peuvent provoquer des étourdissements ou une baisse d’attention.
- Amélioration de la digestion : le mouvement du diaphragme agit comme une pompe douce qui stimule la motilité intestinale et favorise une meilleure circulation sanguine dans les organes digestifs.
- Récupération plus rapide après l’effort : une respiration régulière permet une meilleure élimination du dioxyde de carbone, et soutient la régénération musculaire en améliorant l’apport en oxygène.
- Qualité de sommeil accrue : une respiration nasale profonde et régulière favorise un endormissement plus rapide et un sommeil plus réparateur, notamment en réduisant l’hyperactivation du système nerveux sympathique.
En d’autres termes, une respiration de qualité est une fondation de notre santé globale : elle soutient à la fois notre corps et notre esprit dans leurs besoins quotidiens.
La respiration comme outil de conscience de soi
La respiration est un miroir de notre état intérieur. Simplement en observant son rythme, sa profondeur ou son aisance, elle nous donne des informations précieuses sur ce que nous vivons. Prendre quelques instants dans la journée pour observer notre respiration, sans jugement, devient une habitude simple qui aide à mieux nous comprendre et à reconnaître nos émotions.
Lorsque nous sommes calmes, la respiration est souvent plus lente, régulière, presque imperceptible. En revanche, sous l’effet du stress, de l’anxiété ou de l’agitation, elle tend à devenir plus courte, plus rapide, parfois même bloquée. Ce simple constat montre à quel point la respiration reflète notre état émotionnel et physiologique.
Prendre conscience de notre respiration nous permet donc :
- D’identifier notre état émotionnel : repérer une respiration courte ou irrégulière peut signaler un état de tension.
- De nous ramener à l’instant présent : revenir à notre respiration, c’est revenir dans notre corps, sortir un moment de notre tête et nous reconnecter rapidement à l’instant présent.
- D’apprendre à réguler ses réactions : en observant, puis en modulant consciemment notre respiration, nous pouvons influencer directement notre système nerveux autonome et retrouver un équilibre entre tension et détente.
La respiration consciente n’est pas seulement un exercice de relaxation, mais un outil puissant, simple et accessible, pour se reconnecter à soi dans le moment présent.
La respiration : un outil pour moduler notre état
Observer et améliorer notre respiration quotidienne est déjà puissant, mais il est possible d’aller plus loin. Certains protocoles respiratoires (on parle souvent de breathwork), permettent de changer volontairement notre état physiologique en quelques minutes, favorisant ainsi la détente, l’équilibre ou l’énergie.
Exercices détaillés selon le besoin
Voici quelques exercices classés selon leur effet dominant sur le système nerveux.
Favoriser le parasympathique : se détendre
Principe général : allonger l’expiration par rapport à l’inspiration
Exemples d’exercices de respiration à répéter durant 5 à 10 minutes:
- Respiration 4‑6 : inspirer 4 secondes, expirer 6 secondes.
- Respiration 4‑7‑8 : inspirer 4 secondes, retenir poumons pleins 7 secondes et expirer 8 secondes.
- Respiration « soupir » : inspirer 4 secondes, expirer comme un soupir 6 à 8 secondes.
- Respiration diaphragmatique profonde : inspirer lentement par le nez, laisser le ventre se gonfler, expirer lentement par la bouche.
Effets physiologiques :
- Quand l’expiration est plus longue que l’inspiration, on stimule davantage le nerf vague (principal nerf du parasympathique, qui relie le cerveau au cœur, aux poumons et aux organes).
- Cela entraîne une arythmie sinusale respiratoire (la variabilité naturelle du rythme cardiaque avec la respiration) : le cœur ralentit à l’expiration, accélère à l’inspiration. Plus cette variabilité est présente, plus le corps est flexible et apte à revenir à l’équilibre après un stress.
- Il en résulte une baisse du rythme cardiaque, une diminution du cortisol, une activation de la digestion et un relâchement musculaire.
- Une respiration plus lente avec une expiration prolongée réduit l’activation de l’amygdale, une région du cerveau qui joue un rôle central dans le traitement des émotions, diminuant ainsi la réactivité émotionnelle.
Équilibrer parasympathique et sympathique : cohérence cardiaque
Principe général : inspirer et expirer le même nombre de secondes.
Exemples d’exercices de respiration à répéter entre 5 et 10 minutes :
- Respiration 5‑5 : inspirer 5 secondes, expirer 5 secondes.
- Respiration 6‑6 (6 cycles/minute) : inspirer 6 secondes, expirer 6 secondes.
- Respiration carrée (box breathing) : inspirer 4 secondes, retenir poumons pleins 4 secondes, expirer 4 secondes, retenir poumons vides 4 secondes.
- Respiration « en vague » : inspirer 4 secondes, expirer 4 secondes, ensuite refaire avec 5 secondes, puis augmenter le nombre de secondes à chaque respiration en restant dans le confort, de manière fluide et continue, sans retenue.
Effets physiologiques :
- La respiration à rythme égal favorise une synchronisation du rythme cardiaque et du baroréflexe, ce qui stabilise la variabilité de la fréquence cardiaque et permet d’équilibrer les deux branches du système nerveux autonome.
- Cette stabilité accrue reflète une plus grande flexibilité physiologique, permettant au corps de mieux s’adapter au stress et de passer rapidement d’un état de vigilance à un état de calme.
- Le nerf vague est modérément stimulé, favorisant une régulation douce du rythme cardiaque et des fonctions digestives.
- Les signaux respiratoires transitent par le noyau du tractus solitaire (NTS) dans le tronc cérébral, un centre qui intègre respiration, activité cardiaque et réponses émotionnelles, produisant un état stable où vigilance et calme coexistent.
- En pratique, on ressent une meilleure clarté mentale, concentration et stabilité émotionnelle, sans provoquer de suractivation ou de relaxation excessive.
Favoriser le sympathique : se dynamiser ou se donner de l’énergie
Principe général : respirer rapidement et profondément.
Exemples d’exercices de respiration à répéter selon tolérance:
- Hyperventilation contrôlée type Wim Hof : 20 à 30 respirations profondes et rapides, suivies d’une expiration, puis d’une rétention à poumons vides jusqu’au confort, puis reprise de l’inspiration. Répéter 2 à 3 cycles.
- Respiration rapide rythmée : inspirer 1 à 2 secondes, expirer 1 à 2 secondes. Répéter 30 cycles.
- Respiration alternée dynamique : inspirer profondément, expirer rapidement, répéter 10 à 20 fois.
Effets physiologiques :
- La respiration rapide entraîne une baisse du CO₂ dans le sang (hypocapnie), provoquant une légère alcalose respiratoire.
- Cette alcalose provoque une vasoconstriction cérébrale légère, réduisant temporairement le flux sanguin vers le cortex frontal (zones de contrôle cognitif et d’analyse).
- Le corps réagit en activant le système sympathique : augmentation de la fréquence cardiaque, stimulation de la vigilance, et hausse transitoire de certains neuromédiateurs, comme la noradrénaline (rôle majeur dans les réactions de stress, la vigilance et l’attention).
- Même si le parasympathique n’est pas totalement inactif, cette dominante sympathique crée un état de préparation à l’action et peut augmenter la perception corporelle (picotements, chaleur).
Précautions : pratiquer en position assise ou couchée, interrompre si un malaise survient. Ne pas pratiquer en conduisant, durant une grossesse, ou si vous avez une pathologie cardiaque grave.
Ces exercices respiratoires offrent des moyens simples et accessibles de moduler relativement notre système nerveux. Aucune respiration n’active exclusivement le parasympathique ou le sympathique. Chaque protocole influence les deux systèmes, mais dans une direction dominante.
En somme :
- Les respirations lentes avec expiration prolongée favorisent la détente et la régulation émotionnelle.
- Les respirations à rythme égal équilibrent la vigilance et le calme, améliorant la flexibilité physiologique et la clarté mentale.
- Les respirations rapides et rythmées stimulent l’énergie, la vigilance et la réactivité corporelle.
Pratiquées régulièrement, ces techniques deviennent de puissants outils pour se reconnecter à son corps, revenir dans l’instant présent et ajuster son état émotionnel ou physiologique au quotidien. Elles permettent de mieux comprendre son corps, de se recentrer rapidement et d’améliorer sa résilience face au stress.
Contre-indications et précautions
Les exercices de respiration sont généralement sécuritaires pour la majorité des gens. Cependant, certaines techniques peuvent provoquer des malaises ou aggraver des conditions sous-jacentes si elles sont mal utilisées. Il est donc essentiel d’adapter les exercices au profil de chaque personne. Voici quelques précisions :
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Hyperventilation volontaire (respiration rapide, type Wim Hof)
Précaution : à éviter si vous souffrez de troubles cardiaques connus (arythmies, angine instable), d’hypertension non contrôlée, ou de troubles respiratoires sévères.
Pourquoi : l’hyperventilation modifie l’équilibre acide-base, provoque une baisse de CO₂ (hypocapnie) et peut entraîner des étourdissements, des picotements, voire une perte de conscience brève.
Conseil pratique : toujours pratiquer en position assise ou couchée, jamais en conduisant, si vous êtes dans l’eau ou en situation à risque de chute.
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Rétentions respiratoires (apnée après inspiration ou expiration)
Précaution : à utiliser avec modération chez les personnes ayant de l’hypertension, une maladie cardiaque, ou durant une grossesse.
Pourquoi : elles augmentent la pression intrathoracique, ce qui influence la pression artérielle et le retour veineux.
Conseil pratique : commencer par des temps courts, ne pas forcer, et arrêter immédiatement en cas de malaise.
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Respiration prolongée ou trop intense
Précaution : certaines formes dynamiques peuvent provoquer des vertiges ou de l’hyperventilation involontaire.
Pourquoi : l’effort respiratoire intense peut fatiguer ou créer une instabilité chez les personnes sensibles.
Conseil pratique : apprendre ces techniques sous supervision d’un professionnel formé.
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Populations particulières
Grossesse : la respiration douce et consciente est sécuritaire et bénéfique, mais éviter les apnées longues ou l’hyperventilation volontaire.
Enfants : techniques simples et ludiques (souffler dans une paille, faire des bulles de savon) sont sécuritaires. Éviter les exercices intenses.
Personnes anxieuses : certaines pratiques peuvent paradoxalement accentuer l’anxiété si elles sont trop forcées. Privilégier la progressivité.
Le principe de base : aucune pratique ne devrait provoquer de malaise marqué, d’étourdissements persistants ou d’angoisse. Si c’est le cas, il vaut mieux arrêter l’exercice et revenir à une respiration naturelle, ou consulter un professionnel de santé.
La respiration est bien plus qu’un automatisme : c’est un outil accessible, gratuit et puissant pour influencer notre état physique et émotionnel. En modulant simplement le rythme et la durée de l’inspiration et de l’expiration, nous pouvons activer le calme, retrouver notre équilibre ou stimuler notre énergie. Comme tout exercice, il est essentiel d’y aller progressivement, d’écouter notre corps et d’adapter la pratique à notre condition.
Dre Emmanuelle, votre chiropraticienne à Mirabel
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